Mikisew Cree First Nation c. Canada : résumé exécutif
Un texte de Me Alexandre Carrier
La semaine dernière, la Cour suprême a rejeté le recours de la nation Crie Mikisew, qui alléguait que la Couronne avait l’obligation de la consulter durant le processus d’adoption de deux projets de loi modifiant le régime canadien de protection environnementale, car ces modifications portaient atteinte à ses droits de chasse, de piégeage et de pêche protégés par traité.
Quatre opinions concordent quant au résultat; elles rejettent le recours sur la base que la Cour fédérale n’a pas la compétence d’examiner les actes du pouvoir législatif et que les tribunaux ne peuvent pas intervenir durant le processus législatif pour forcer la consultation et l’accommodement des peuples autochtones, et ce, au nom des principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et de souveraineté parlementaire.
Toutefois, cinq juges sur neuf considèrent que l’honneur de la Couronne est en jeu lors de l’élaboration d’un projet de loi, mais ils et elles ne peuvent s’entendre sur les conséquences de ce fait. Les juges Karakatsanis, Wagner et Gascon écrivent que l’obligation de consulter ne s’applique pas au processus législatif mais que d’autres protections découlant du principe de l’honneur pourraient éventuellement s’y appliquer. Quant à elles, les juges Abella et Martin considèrent que les tribunaux pourraient donner droit à une requête fondée sur le respect de l’obligation de consulter une fois le processus législatif terminé. Cela éviterait de porter atteinte aux principes précédemment mentionnés tout en préservant le principe constitutionnel de l’honneur de la Couronne envers les peuples autochtones, qui est le fondement de l’obligation de consulter.
Somme toute, la Cour a consacré la supériorité de la souveraineté parlementaire et de la séparation des pouvoirs par rapport au principe de l’honneur de la Couronne, dont on ignore les effets concrets dans un contexte législatif. Cela envoie encore une fois le message que les obligations constitutionnelles à l’égard des peuples autochtones sont de moindre importance.
La Cour avait auparavant énoncé dans d’autres décisions (Rio Tinto Alcan Inc c Conseil tribal Carrier Sekani, 2010 CSC 43) que l’obligation devait s’appliquer dès les décisions structurantes de « haut niveau » prises à l’égard des peuples autochtones, par exemple l’approbation d’un plan pluriannuel de gestion forestière, afin d’éviter de multiples contestations lors de la mise en œuvre des décisions. Il est dommage que la Cour ait refusé d’étendre ce raisonnement au processus législatif qui encadre plusieurs processus qui pourraient éventuellement être l’objet d’une contestation.
Rappelons que l’objectif fondamental du droit autochtone canadien est de réconcilier la souveraineté de la Couronne avec la préexistence de nations autochtones qui étaient elles-mêmes souveraines au moment du contact avec les européens. La Cour avait une belle occasion de travailler à cette réconciliation puisque des lois canadiennes élaborées en collaboration avec les nations autochtones auraient eu une plus grande légitimité.