Les employeurs ne devraient pas s’immiscer dans les choix démocratiques des travailleuses et travailleurs
Depuis quelques mois, nous assistons à une attaque sans précédent du patronat contre le régime encadrant la liberté d’association au Québec. Non satisfaits de pouvoir contourner les dispositions anti-briseurs de grève, bénéficier des taux d’impôts les moins élevés en Amérique du Nord et fermer leurs entreprises à leur guise, certains employeurs voudraient maintenant aller encore plus loin et s’immiscer dans le processus démocratique suivant lequel les travailleurs et les travailleuses vont décider comment et par qui ils ou elles seront représentéEs dans la négociation de leurs conditions de travail.
Ces employeurs s’en prennent au principe de signature des cartes en réclamant que le Québec fasse trois pas en arrière pour revenir au système de scrutin obligatoire. Il ne faut pas oublier, malgré le discours populiste qu’ils tiennent, que leur motivation est ailleurs. L’objectif poursuivi est plutôt d’éliminer le rapport de force détenu par les travailleuses et les travailleurs lorsqu’ils ou elles décident d’unir leurs voix pour négocier leurs conditions de travail. Le système de signature des cartes, par lequel les travailleuses et travailleurs réussissent à être reconnu afin de négocier leurs conditions de travail collectivement lorsqu’une majorité absolue en exprime le souhait par la signature des cartes d’adhésion, fut mis en place afin de permettre aux travailleurs et travailleuses de faire leur choix sans aucune intimidation de la part de leurs employeurs.
Lorsqu’on considère la véhémence avec laquelle certains employeurs dénoncent le syndicalisme et les moyens qu’ils prennent pour le contrer (ex : Wal-Mart, Journal de Montréal, etc.), il ne faut pas être surpris qu’au Québec, comme dans plusieurs autres provinces, on ait choisi de protéger ceux et celles qui devraient avoir le dernier mot sur leur liberté d’association, soit les travailleurs et travailleuses eux-mêmes.
Il faut également souligner, de manière plus importante, que cette hystérie contre la syndicalisation est un vestige des années 1950 qui n’a plus sa place dans la conjoncture actuelle. Plusieurs ont d’ores et déjà démontré avec rigueur qu’il n’existait aucun lien entre la syndicalisation et le déclin de la productivité ou la profitabilité d’une entreprise. Aucune étude sérieuse n’a encore révélé une relation inversement proportionnelle entre la syndicalisation d’une entreprise et le rendement de celle-ci.
Il nous appert donc important, en tant que juristes progressistes, de rétablir les faits et de rappeler que ce n’est pas aux patrons de dicter aux travailleurs et travailleuses qui va les représenter ni comment ce choix sera exprimé.