Les déménagements estivaux du 1er juillet approchant, tenez-­‐vous-­‐le pour dit : si vous faites le choix d’abandonner votre chat à l’extérieur à cette occasion, le droit québécois ne possède aucun outil lui attribuant protection, cet animal devenant alors aussi simplement à la merci des autorités municipales.

Les médias sociaux faisaient état dans un passé récent d’une colonie de chats errants dans une municipalité du Québec qui, à défaut de trouver un chez-­‐soi bien à eux, ont été nourris par certains habitants à l’encontre du règlement municipal prévoyant des amendes pour une telle « infraction ». Les mêmes sources affirment que des abris ont été construits pour qu’ils s’y réfugient par temps de grands froids, abris qui en octobre 2012, auraient été détruits par la municipalité.

Les citoyens concernés par le bien-­‐être de ces chats ont rapporté avoir retrouvé plusieurs chats décédés, dont une femelle enceinte. Certains auraient été retrouvés morts sur des conteneurs à déchets. Devant cette situation, une citoyenne a communiqué avec le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), lequel est responsable de la mise en œuvre de la Loi sur la protection sanitaire des animaux. La citoyenne mentionne qu’elle n’a pas reçu de réponse satisfaisante, le MAPAQ ayant, semble-­‐ t-­‐il, affirmé ne pas être en mesure de l’aider : ces chats étant sans propriétaires, ils ne sont pas visés par ladite loi.

Pourquoi la municipalité a-­‐t-­‐elle fait le choix de ces actions de sanction, plutôt que de mettre en oeuvre un programme de stérilisation, par exemple? En tant que juriste, je me questionne sur la façon dont le droit encadre au Québec une situation aussi troublante. Il faut que notre droit valorise l’acte noble de sauver de la souffrance des êtres sensibles dont la science a démontré sans équivoque la capacité à ressentir la douleur.

Cette souffrance ignorée par le droit n’est malheureusement pas un exemple unique au Québec. De plus en plus de gens reconnaissent que les lois municipales, provinciales et fédérales ne protègent pas suffisamment les animaux. On se rappellera les nombreuses saisies d’animaux dans les usines à chiots et la divulgation des pratiques cruelles du Berger Blanc.

Notre système juridique de droit civil considère les animaux pratiquement au même titre que notre table de cuisine, en les assimilant à la catégorie des biens meubles. Or, ce que ce manque d’encadrement juridique a pour effet, dans la pratique, est sans doute moins connu. Ce qui s’est déroulé dans cette municipalité, sans que cela ne fasse grand bruit, est un exemple des lacunes de ce système : des animaux qui sont libres dans la nature, sans propriétaire, à qui le droit ne reconnaît pas la capacité à souffrir, étant un bien sans maître. Cela n’est pas le cas dans le reste du Canada, régi par un système juridique de Common Law.

Cette fiction juridique civiliste mène donc à des résultats inusités dans la vie courante. Selon cette logique, les chats errants, ou tout autre animal vivant à l’état sauvage sans maître, ont moins la capacité de souffrir et de survivre que les chats ayant trouvé propriétaire : cela est visiblement absurde. En outre, les animaux sans maîtres du Québec n’ont pas droit à la même protection que leurs semblables des autres provinces, valeur de protection qui leur serait simplement attribuée en traversant la frontière ontarienne. Il est donc clair que ces deux résultats ne sont ni logiques, ni raisonnables.

Il est inacceptable que des élus et des fonctionnaires usent de vides juridiques et négligent d’agir contre la cruauté envers les animaux, allant souvent à l’encontre de l’opinion de la majorité de la population. Dans une société démocratique, nous devrions considérer le droit comme un outil de protection contre le mal infligé sans nécessité, et non pas le motif qui justifie de tels actes.